Vins de clos, vins de légende
En Alsace, le clos du
Zahnacker remonte au VIIIe siècle. Propriété d’un moine chevalier de
Ribeauvillé. © Bernard Joo'
Le vin, c’est toujours une affaire de sol et d’exposition. Quand la qualité de l’un et l’ensoleillement de l’autre sont réunis sur une même parcelle, cela devient un trésor vite ceinturé de murs ou de haies. Ainsi naissent les clos. Ces parcelles de vigne que l’on retrouve souvent près du château ou de la maison du vigneron, jamais loin du regard.
Un clos est souvent en appellation Grand
Cru. Il appartient parfois à plusieurs producteurs, mais quand ce trésor est la
propriété d’un seul vigneron, on parle alors de clos en monopole. Une
distinction qui figure parfois sur l’étiquette. Ces parcelles de quelques
hectares, voire quelques ares, font souvent l’objet d’une cuvée particulière,
car c’est la pépite d’un domaine. Voici une courte sélection de cinq clos,
emblématiques de ce qu’ils peuvent donner de plus exceptionnel.
En Bourgogne, à l’ouest de l’appellation Beaune, le
Clos des Mouches était autrefois exploité par plus de quarante propriétaires !
Cette parcelle ensoleillée abritait des ruches, un temps où les abeilles
étaient appelées « mouches à miel ». C’est l’un des tout premiers
vignobles acquis par Maurice Drouhin après la Grande Guerre. Ses quatorze hectares
donnent l’un des plus grands vins de Bourgogne. Son sol complexe,
argilocalcaire avec une partie haute de terre pierreuse, permet une évolution
des vins vers une grande finesse. Le Clos des Mouches est planté pour moitié en
rouge et pour l’autre en blanc. Les rouges ont une robe couleur rubis qui
annonce des arômes de cerise et de mûre. Ils sont charpentés, ronds et très
gracieux.
Plus à l’Est, en Alsace, la légende du Clos du
Zahnacker remonte au VIIIe siècle. Propriété d’un moine chevalier de
Ribeauvillé au Moyen-âge, il était apprécié par Louis XIV. Depuis 1965, il
appartient à la plus ancienne cave coopérative d’Alsace, dont la création
remonte à 1895. La qualité d’un vin dépend de sa complexité. Là, c’est
l’assemblage des trois grands cépages de l’appellation que sont le riesling, le
gewurztraminer et le pinot gris, plantés à parts égales, pressés et vinifiés
ensemble, qui assure cette complexité. Ce clos monopole classé Grand Cru
Osterberg, donne un vin superbe, et le millésime 2009, même s’il est
encore jeune, allie déjà finesse et puissance. Un vin de caractère et de longue
garde, même si les vins d’Alsace se dégustent plutôt jeunes.
En Champagne, c’est le Clos des Goisses, situé à
Mareuil-sur-Aÿ, qui est réputé. Sa forte pente rend son travail difficile d’où
son nom : Goisses qui veut dire en vieux champenois : « travail
pénible ». Ce clos appartient à la maison Philipponnat, fondée en 1522.
Depuis 1935, c’est la cuvée phare de la maison. Elle est millésimée chaque
année, contrairement aux autres grandes maisons de Champagne qui ne millésiment
que les grandes années. Ce vin est puissant et vineux, grâce à ses cinq
hectares qui bénéficient d’une exposition plein sud. C’est ce qui lui permet
d’avoir une bonne maturité même lors d’années peu ensoleillées.
Dans la Loire, le Grand Clos de la Coulée de
Serrant est une parcelle de grand renom. Une réputation qui remonte à 1130,
quand les moines cisterciens ont planté ses sept hectares en cépage chenin.
Cette parcelle qui domine le fleuve royal, est à elle seule une appellation
contrôlée ! Située sur des coteaux très raides, son sol très peu épais est
sur un fond de schiste rouge qui draine parfaitement des vignes qui ont plus de
35 à 40 ans d’âge moyen — les plus vieilles ayant près de 90 ans. Elles sont
cultivées en biodynamie, en partie au cheval, ou à la main. Les vendanges se
font en cinq fois sur un mois, car Nicolas Joly veut obtenir la maturité la
plus colorée possible et la plus marquée par le botrytis.
Bordeaux a aussi de nombreux clos. Cependant, celui
du Clos Fourtet, classé Premier Grand Cru, est des plus réputés. Planté aux
portes de la ville médiévale sur des carrières souterraines, il doit son nom au
« Camp Fourtet », la place forte qui protégeait Saint-Emilion au
Moyen-Age. Le clos recèle un vignoble de 18,7 hectares, près du château. Racheté
en 2001 par Philippe Cuvelier à la famille Lurton, le Clos Fourtet a un terroir
argilocalcaire doté d’une faible couche arable et naturellement drainé. L’encépagement
est constitué de merlot, avec un peu de cabernet-sauvignon et de cabernet franc,
travaillés en culture raisonnée. Un vin charnu, concentré et racé, avec des
arômes de fruits rouges confits.
CLOS DES MOUCHES 2010, rouge, Joseph Drouhin, Beaune. 52,20 €
CLOS DU ZAHNACKER 2009, blanc, Cave vinicole de Ribeauvillé. 25 €.
CLOS DE LA COULÉE DE SERRANT 2009, blanc, Château de la Roche aux Moines, Savennières. 45 €.
CLOS DES GOISSES 2001 Champagne Philipponnat, Ay. 110 €.
CLOS FOURTET 2010, rouge, Saint-Emilion. 100 €.