L'or noir français
Armen Pétrossian : " Pour choisir un bon caviar : faites confiance à vos sens. " © Bernard Joo'
Il est bien fini le temps ou le caviar en
provenance de la Mer Caspienne faisait rêver. L’or noir a depuis remplacé… l’or
noir. Du temps de l’URSS, les
immenses ressources naturelles de cette mer étaient synonyme de prospérité pour
les trois pays riverains que sont la Russie, le Kazakhstan et l’Iran. Ce sont les Russes qui, dans les années 30,
ont inventé le procédé de fécondation des esturgeons. De nombreuses fermes
collectives créées pendant la période communiste étaient situées à côté des
gisements de pétrole, à une époque où l'extraction des ressources était
raisonnable. A l’époque, un accord de partenariat entre l'ex-Union soviétique
et l’Iran faisait que ces deux pays étaient les gros exportateurs de caviar. Puis,
à la chute du Mur, cet équilibre géré de façon planifié par les Soviétiques c’est effondré. Les
mesures de prévention n'ont pas été prises à temps pour protéger leur
population. A partir des années 70, le déclin rapide des stocks d'esturgeons dû
à la surpêche et à la pollution de l'eau est devenu évident. À la fin du XXe
siècle, l'exploitation intensive récente du pétrole et du gaz a eu un effet dévastateur
sur la santé humaine. La mer Caspienne est un lac et non pas le golfe du Mexique.
Il y a 20 ans, la région fournissait 1 000
tonnes de caviar par an. Aujourd'hui, elle n'en fournit plus que 10 tonnes. Et l’importation
de caviar sauvage a été interdite en Europe.
Depuis, la
France est devenu un important producteur de caviar d’élevage de très grande
qualité. Elle est devenue le deuxième producteur mondial, derrière l’Italie,
mais devant la Chine, l’Espagne, les États-Unis, l’Arabie Saoudite, l’Uruguay
ou encore Israël.
Paradoxalement,
la chute du Mur a été vécue comme un drame par la famille Petrossian, réfugiée
à Paris, en 1920, après avoir fui les persécutions. C’est elle qui a fait découvrir
le caviar aux Français. A cette époque, les populations de la mer Caspienne se
ruent sur l’esturgeon. Le marché noir explose, les prix s’effondrent. « En 1995, le caviar se trouvait en
promotion à 700 francs le kilo en grande distribution», se rappelle Armen
Petrossian. Conséquence de ce braconnage intensif, le grand esturgeon
(bélouga), l’esturgeon étoilé (sévruga) et l’esturgeon à long nez sont en voie
de disparition. Il faut savoir que Le prix du caviar se justifie par la longue
durée d’élevage et par le fait qu’une femelle ne produira du caviar qu’une
seule fois dans sa vie. Le caviar provient de femelles matures, qui sont en âge
de produire du caviar à partir de sept ans. Obtenir les fameux grains noirs
nécessite donc d’importants investissements de départ et une technicité
importante.
En 1998, lors
de l’interdiction du caviar sauvage, il fait le pari de l’élevage. Une chance
que cinq ans auparavant, à Bordeaux, le Cemagref s’est mis à repeupler la
Garonne avec une espèce importée de Sibérie : l’Ascipenser Baeri. Dans la deuxième
moitié des années 90, plusieurs fermes
de se lancer dans la production de caviar en Aquitaine. Chaque espèce a ces
qualités gustatives. En France, l’espèce la plus exploitée est le Baeri, un
esturgeon sibérien et l’esturgeon blanc. Lors d’un échange scientifique avec
l’Union Soviétique au début des années 80, on importa des géniteurs et des
alevins d’esturgeons sibériens pour restaurer l’espèce dans les fleuves Garonne
et Dordogne. L’esturgeon européen (Acipenser sturio) avait disparu. « A l’époque le Baeri ne donnait
pas de œufs capables d’être affinés. Pas fous les Russes », s’amuse Armen. Ensuite, c’était
sans compter sur le génie français.
En revanche,
la qualité du caviar français d'élevage, encore balbutiante dans les années
1980, et trop marqué par un goût de vase dans les années 1990, s'est
considérablement améliorée depuis, notamment grâce à Armen Pétrossian qui ont
soutenu le développement du caviar d'élevage français.
Les fermes
d’aquaculture de Gironde, de Dordogne, de Sologne, de Charente-Maritime ou des
Pyrénées augmentent peu à peu leur volume et le caviar de nos régions trouve sa
place. Elles produisent
la quasi-totalité du Caviar français, dont la moitié est réservée à l’export. Avec
19 tonnes par an, la France est le second production mondial de caviar,
derrière l’Italie. 20 tonnes de caviar sont extraites en France des 300 tonnes
d'esturgeons produits en aquaculture. Plus de 15% de la production mondiale de
caviar sont consommés en France. Et les affineurs se sont multipliés, Kaviari,
Sturia, Prunier, la Maison nordique, Caviar de France…
« Mais ce n’est pas
l’élevage qui fait le caviar, c’est le savoir faire et un salage délicat, explique Armen Petrossian. C’est pour cela qu’une IGP n’a aucun sens.
Les producteurs n’existent pas sans les affineurs. L’atout de l’élevage
français c’est la qualité de de l’esturgeon et de ses œufs qui ne sont pas
ovulés. Contrairement à d’autres élevages qui font ovuler le poisson à coup
d’hormones. »
Même si chaque
espèce a ces qualités gustatives, c’est le soavoir faire de l’affineur qui fait
tout, il faut
goûter le Baeri charentais de Petrossian, entre le Royal et l’Impérial, il y a
une grande différence. Et à l’aveugle, il faut être expert pour faire la différence avec un osciètre ou un bélouga. Mais tout cela reste tellement
subjectif.
Comment
déguster
Les conseils
d’Armen Pétrossian pour choisir un bon caviar : faites confiance à vos sens. Au nez,
pas d’odeur parasite. Dégustation
à la cuillère en porcelaine, nacre, ou nylon. Température de service 12°.
Présentez la boîte de caviar simplement sur un lit de glace et dégustez ensuite
à la petite cuillère pour apprécier ses œufs particulièrement croquants qui
roulent en bouche. Évitez d’utiliser un ustensile en argent ou en métal qui
oxyde le caviar. Et n’oubliez pas la vodka de France!