Les brasseurs à la recherche du goût d'autrefois
En 1879, la
Gallia (Gaule en latin) était brassée dans le quartier d’Alésia, à Paris.
La bière est
affaire de passion. Une passion planétaire qui dure depuis plusieurs
millénaires. Elle arrive en Europe vers 5000 ans av J.-C. Chez les Gaulois, la
cervoise est fabriquée en famille jusqu’à l’apparition du vin qui change les
habitudes de consommation. Si la bière a toujours fait partie du patrimoine
culturel français, le renouveau du paysage brassicole date de la fin des années
90. La richesse et la variété des bières produites s’expriment désormais en
milliers de marques (environ 2 000) et une multitude de brasseries artisanales
et de microbrasseries ont vu le jour ces dernières années, à l’ombre des grands
groupes brassicoles. « En 2014, on compte environ 600 brasseries en France, le
troisième pays européen en nombre d'établissements, précise Philippe Vasseur,
le nouveau président des Brasseurs de France, et ancien ministre de
l'Agriculture d'Alain Juppé. Et parmi elles, 450 brassent plus de 100
hectolitres. » Certes, la production des petites brasseries représente à peine
2% de la consommation française estimée à 20 millions d'hectolitres, mais elles
témoignent d'un engouement pour les bières originales et leur grande diversité
de saveurs.
Sans oublier
la mode du fait maison, qui fait que des Français se remettent à brasser
eux-mêmes. On trouve sur Internet des kits de brassage pour faire sa bière
soi-même, sans garantie de succès car la bière d'aujourd'hui n'a plus rien à
voir avec la cervoise : si la recette est simplissime, le brassage nécessite un
certain savoir-faire. Avec ses assemblages de différentes variétés de houblon
et de malt torréfié, la complexité des levures, la prise de mousse, la qualité
de l’eau et la garde, on se rapproche beaucoup de la méthode champenoise.
Au sortir de
l'hiver, on voit arriver la bière de printemps. Contrairement à ce que l'on
pense, ce n'est pas que du marketing. Comme le rappelle Philippe Vasseur,
originaire du Nord, « la bière de printemps est l'héritière d'une tradition du
Nord-Pas-de-Calais. Elle correspondait à la première bière de garde de l'année,
mûrie dans le froid de l'hiver. C'est parce que les brasseurs restent attachés
à cette tradition que, chaque année, ils proposent un brassin spécial de
printemps en bouteilles ou à la pression dans les bars. »
Chaque ville,
chaque bistro veut sa bière. Et Paris n’échappe pas au phénomène avec la Gallia
(Gaule en latin). Remontant à 1879, elle était autrefois brassée dans le
quartier d’Alésia mais avait disparue dans les années 60. On doit sa
renaissance à Jacques Ferté et Guillaume Roy, issus tous deux de l’Ecole de
management de Normandie (EMN). L’un est fils d’agriculteur, l’autre, auteur
d’un mémoire sur l’industrie brassicole. « Nous voulions une bière premium.
Avec plus de matière, des goûts plus affirmés ; des arômes novateurs, explique
Guillaume Ferté. On veut retrouver le goût comme autrefois. La bière c’est du
vivant. On s’inspire de l’Angleterre qui fait des brassins de type pale-ale. »
Leur gamme
est basée sur de nouvelles saveurs. « La Gallia blonde de base, une blanche
plus douce à l’arôme d’absinthe qu’on a développée avec l’Institut supérieur
d'agriculture de Lille, et notre nouvelle pale-ale, légère mais aromatisée,
inspirée des Anglais », précise-t-il.
Simon Hicher,
un jeune ingénieur agronome spécialisé par un master en génie brassicole à Louvain,
en Belgique, a aussi été recruté pour travailler sur une gamme de petits
brassins.
Les deux
comparses qui gèrent leur brasserie comme une start-up avec, entre autres,
Audacia, le fond de Charles Beigbeder comme investisseur, ne sont pas à court
de projets. En 2015, ils promettent une brasserie 2.0 en région parisienne. «
Pourquoi pas à Pantin où on a déjà notre atelier de brassage. Il nous faut un
lieu à la fois de production et culturel, pour accueillir le public, annonce
Jacques Ferté. Et véhiculer l’image de Gallia. »
Gallia, bière blonde de Paris
- Bière de
type Pilsner
- Degrés
d'alcool : 5,5°
- Malts :
Pilsen, Cara Ruby, Froment
- Houblons :
Zatec, Premiant
- Servir
frais (environ 6 °C)
- Bouteille
de 33 cl, 2,50 € (Monoprix, La Grande Epicerie, Lafayette Gourmet)
- En bouche :
Une explosion d’écorces d’agrumes et de houblons aromatiques qui enrobent
intensément le palais pour finir sur une note douce amère. Une légère dose de
malts mielleux apporte sa couleur ambrée et cet aspect soyeux propre à cette
pale-ale.
PETIT LEXIQUE
Brassin Comme le boulanger a sa fournée de
pain, le brasseur a son brassin. Certaines brasseries de taille moyenne en
réalisent un à plusieurs par jour.
Fermentation Une première (ou primaire)
fermentation vise à produire de l’alcool après l'ensemencement du moût avec des
levures.
Trois
méthodes pour plusieurs types de bières.
Fermentation
basse pour les Blonde, Fine, type Pils ou Lager. 8 à 10 jours à basse
température, les levures restent au fond de la cuve. Fermentation haute : pour
les Pale Ale, Stout, Blanche ou Bières d'abbaye. 3 à 5 jours à température
moyenne, les levures remontent à la surface. Fermentation spontanée pour la
Lambic. Des levures sauvages naissent dans un moût à l'air libre.
Garde Après la fermentation primaire, la
bière est stockée dans une cuve de garde pendant un mois. C’est une
fermentation secondaire qui va affiner la bière et finir la conversion des
sucres fermentescibles. Avec ensuite une refermentation en bouteille pour la
saturer en CO2.