Une langue artificielle
La langue est
composée de capteurs réagissant à différentes substances.
Quelles
soient stout, lager, double malt, pils, alsacienne ou sans alcool. Ce prototype
de « langue électronique », qui reproduit le système gustatif de
l’organe humain, a été révélé dans la revue scientifique Food Chemistry, spécialiste
de la chaîne alimentaire (de la ferme à l’assiette). Il est déjà précis dans 82 %
des cas, même s’il ne cesse de progresser.
On connaissait déjà l’oreille, le nez et la
main électroniques, on a maintenant la langue. Il ne manque plus que la
vue pour que l’homme soit capable de reproduire artificiellement ses cinq
sens ! Fondé sur le fonctionnement de la langue humaine avec ses papilles
ultra-sensibles, « le concept de
langue électronique revient à utiliser des capteurs génériques en réseau, qui
réagissent aux divers composés chimiques recherchés », explique le
chercheur Manel del Valle, auteur principal de l'étude publiée dans la célèbre revue
britannique.
En l’occurrence, la langue espagnole est
composée de capteurs réagissant à différentes substances. Pour cela, les
scientifiques ont étudié l'anatomie de la langue en détail. Elle est composée de
nombreux isolateurs sensoriels, appelés papilles, dispersés sur sa surface.
L'anatomie de l’organe naturel a permis de mieux comprendre les mécanismes du
signal gustatif. Certaines cellules fonctionnent comme des récepteurs sensibles
qui transmettent au cerveau les informations chimiques correspondant aux
caractéristiques gustatives. Chaque cellule réceptrice a une forme unique, qui
répond à des types de signaux chimiques donnés. Ces signaux, émis par les
récepteurs gustatifs, sont véhiculés principalement par trois nerfs crâniens.
Ils sont transmis jusqu'au système nerveux central, où des régions du cerveau
décodent l'information chimique et la traduit en sensation gustative.
L'ultra-sensibilité des papilles de la
langue humaine a été prise en modèle dans la conception de sa version
électronique pour goûter la bière. Dans cette invention, l’ordinateur remplace
tout simplement le cerveau. L'emploi d'une palette de capteurs génériques qui
réagissent aux divers composés chimiques recherchés constitue l'idée première de
la conception de ce dispositif. Cette langue électronique se voit munie de 21
électrodes ioniques qui réagissent en présence de substances variées, dont les
chlorures, les nitrates, le sodium et l'ammonium. Le spectre de signaux
produits par les électrodes a été par la suite comparé aux divers assemblages
de bière présentés.
Distinguer le vrai du faux
Ensuite,
« le spectre de signaux générés par la langue artificielle a été étalonné
en fonction des différentes informations chimiques des bières qu’elle goûte »,
précise Manel del Valle.
Ce qui est loin d’être évident, car, si la
recette de ce breuvage reste simplissime, les assemblages de différentes
variétés de houblon et de malt torréfié, la multiplicité des levures, la prise
de mousse, la qualité de l’eau, la garde, en font un process très complexe.
L’équipe du groupe « senseurs et biosenseurs »
de l’université catalane estime que cette expérience les conduira « à la fabrication d'un robot doué du
sens du goût, que l'on pourrait substituer aux équipes de goûteurs des grands
groupes brassicoles chargés d'évaluer les différents assemblages avant leur
commercialisation ».
Surtout, la langue artificielle sera douée
pour distinguer le vrai du faux, puisqu’une fois programmée, elle sera à même
de distinguer les composantes du brassin pour un contrôle qualité plus fiable.
Après avoir chargé les données de la signature chimique des bières
sélectionnées, elle peut repérer ce qui les caractérise. « Même si, pour l’instant, elle est incapable d'établir une
distinction entre d'autres boissons qui ne figuraient pas dans ses données »,
admet Manel del Valle.
Les robots testeurs de boissons
progressent lentement. Le premier modèle avait été conçu en 2006 par l’équipe
du professeur Atsushi Hashimoto de la Mie University et la firme NEC System
Technologies Ltd., basée à Osaka. À l’époque, les Japonais avaient affublé le
système d’un robot anthropoïde pour faire joli. Il avait acquis la célébrité en
rentrant au Guinness des records en 2008. L’engin savait discerner une
trentaine de vins, apparemment de manière efficace. Mais sa technique était
très différente de celle de l’invention espagnole, l’analyse reposant sur
l’absorption de rayonnements infrarouges de différentes longueurs d’onde. À l’époque,
le petit robot sommelier pouvait tout de même reconnaitre différents fromages
et des fruits, et même mesurer la maturité d’une pomme.