jeudi 27 novembre 2014

Gastronomie



La perle noire

 
A partir de décembre, Michel Rostang va au marché de Richerenches, le premier marché aux Truffes d’Europe. © Bernard Joo'


On dit que ce sont les dieux de l’Olympe qui lui donnérent sa forme et sa saveur incomparable pour parfumer le « sot-l’y-laisse » d’une poularde qu’Aphrodite trouva peu goûteuse.
Ce tubercule globuleux Les premières truffes apparaissent en novembre, mais c’est en janvier qu’elle est en pleine maturité. La saison se poursuit jusqu'à la mi-mars.
La précieuse tubercule est très sensible aux caprices de la météo. Le printemps doit être frais, avec quelques pluies en juin et juillet et quelques gros orages en août. C’est le climat des Causses du sud-ouest, des Garrigues de Provence et des Gastines du Périgord.
« Un bon sol truffier est calcaire, maigre et peu profond, aéré, argileux sans excès, se ressuyant bien el assez chaud», disait Jean Pagnol, frère de Marcel. La roche fait vriller les racines, fissure et sculpte les radicelles qui vont permettent un écoulement rapide de l’eau en profondeur, ce qui évite que l'humidité stagne et nuise au champignon.
Autrefois, on y trouvait des truffières naturelles, spontanées, où le diamant noir grandit souvent au hasard des arbres, dans les maquis ou en bordure de sentier. La truffe grandie en symbiose près des chênes, mais aussi des noyers, et des noisetiers. Ça « cavait », sans demander la permission au propriétaire.
La révolution vint de Joseph Talon qui découvrit au XIXe que la truffe poussait à l’ombre de jeunes chênes qu’il avait planté. Néanmoins, la trufficulture est entrée dans le domaine de l'agronomie lors l'Exposition Universelle de Paris en 1855, quand le négociant Rousseau envoya les premiers échantillons de truffes obtenues dans ses terres e Carpentras.
Une truffière artificielle ne commence à donner qu'au bout de dix, voire même vingt ans. Ensuite, pendant environ quarante ans, la production augmente progressivement, puis diminuer lentement.

© Bernard Joo'
Malgré la plantation annuelle en France de quelques 300 000 arbres truffiers, soit 1000 à 1200 ha, la production de truffe a tendance à diminuer. Elle est passée de plus de 1000 t à la fin du XIX, à moins de 100 t aujourd’hui. La sécheresse et les fortes chaleurs des dernières années ont été particulièrement défavorables. Mais d'autres facteurs peuvent intervenir, comme la qualité des sols ou la compétition entre champignons mycorhiziens. Les espèces de truffe nobles mises en culture, telles la truffe noire dite du Périgord (Tuber melanosporum) ou la truffe de Bourgogne (T. uncinatum) peuvent être remplacées par des espèces à fort pouvoir colonisateur comme la brumale (T. brumale) ou éventuellement la truffe de Chine (T. indicum). Ces compétitions souterraines sont d'autant plus dommageables que ces dernières espèces ont un intérêt gastronomique moindre.
Les truffières du sud-ouest produisent actuellement une trentaine de tonnes par an. Une fois la récolte terminée, les trufficulteurs portent sur les marchés de Carpentras, Richerenches, Aups, ou Lalbenque. Là, les rabassiers attendent les courtiers, leur marchandise cachée au fond de leur musette ou de leur petits paniers tressés. Tout se fait en silence, le client tâte au la  précieuse marchandise, hument le contenu, négocient, et la perle noire change de mains.
Malgré la pesée à la filoche, les champignons noirs sont toujours enveloppés de terre. ll faut les laver et les brosser minutieusement. Ce qui réduit le poids de 10 à 15 %. Le courtier les trie et les « canife » ensuite, à la main, truffe par truffe, pour évaluer la qualité et la grosseur
Sur le marché, il faut repérer les différentes qualités de truffes brossées (les plus courantes), extra-canifées, premier choix, truffes cassées, pelures et brisures.
Une truffe fraîche est meilleure et se conserve bien. On peut aussi plus simplement la mettre en bas du réfrigérateur, deux ou trois jours dans un linge humide ou la tremper dans un verre d'eau en la changeant chaque jour, toujours au réfrigérateur pour qu'elle reste croquante.
Pour la conserver plus longtemps, deux semaines max, il faut la nettoyer délicatement dans de l'eau tiède, la brosser, bien la sécher avec un torchon et l’enfermer dans une boîte, au frais. On peut aussi y ajouter des huiles d’arachide, pépins de raisin, tournesol, qui sont neutres, mais elle perd son croquant. Il faut très peu de truffe pour qu’un plat devienne le plus envoutant des mets.

Pour en savoir plus : Truffe et Trufficulture, de Jean-Marc Olivier, Jean-Charles Savignac, Pierre Sourzat , Ed. Fanlac.