Un rituel qui s’obstine
À l’origine, ce n’était qu’une boisson aux
vertus digestives, à base de chardon béni, de gentiane ou autre bigarade, qui
préparait au repas. L’apéritif (du latin « aperire » qui veut dire
ouvrir) est devenu un rituel festif quasi quotidien pour de nombreux Français.
Cette habitude remonte au début du XX siècle.
« À l’époque, réservé aux hommes,
l’apéritif se prenait à domicile et à table. C’était souvent du vin ou des préparations
amères comme le quinquina, rappelle Jean-Pierre Corbeau, professeur
sociologie de la consommation à l’université de Tours. Puis les femmes s’y sont mises, avec des boissons à base d’herbes, des
vins de Madère ou de Porto, plus sucrées et peu alcoolisées. Ensuite, les
boissons anisées, plus populaires sont apparues. Dans les années 70, la
bourgeoisie a découvert le whisky. On est alors passé à plus fort ».
L’apéritif a toujours été sensible à l’air
du temps, une arme anti pessimisme qui perdure. Sans doute parce qu’il donne
quelques couleurs, une certaine ivresse et crée l’ambiance. Aujourd’hui, on ne
parle plus que de mixologie, cet art du cocktail branché réalisé par des barchef,
barman, barmaid, bartende et autre mixologiste...
Pourtant, à contre-courant de la mode, les
grandes maisons font renaitre des modes oubliées comme l’absinthe, sans sa
substance psychotrope originelle bien sûr, ou le Ratafia de Champagne.
Voilà un siècle que la distillerie Jean
Goyard élabore et affine ses eaux-de-vie et ses ratafias au cœur de la Champagne.
L’étymologie de cette boisson est l’expression rata fiat : «que le traité soit ratifié». Autrefois, il était d’usage de trinquer
lorsque l’affaire était conclue.
Alliance délicate de moûts de chardonnay,
de pinot noir et de pinot meunier mutés à l’eau-de-vie, ce magnifique Ratafia 3
ans d’âge de chez Goyard se distingue par sa subtilité aromatique acquise lors
de sa maturation en barriques. Son secret ? Des arômes frais d’orange confite
et des nuances de pruneau et d’agrumes. Une bouche boisée et acidulée, parfaite
pour réveiller les papilles.
Restons dans l’univers du vin avec le porto.
Les Français en sont les premiers consommateurs et les seuls à le pratiquer à
l'apéritif. Trop souvent avec des breuvages d’entrée de gamme au goût sucré à
l’excès.
Fondée en 1588, Croft est l'une des plus
anciennes maisons du port. Elle possède l'une des célèbres propriétés du Douro,
la Quinta da Roeda. Croft Pink rosé est un porto inédit, fait à partir d'une
nouvelle technique qui extrait sa couleur séduisante par contact limité avec
les peaux du raisin pendant la fermentation. Le niveau de sucre est identique à
celui d’un jeune porto Rudy. Le résultat est élégant avec un goût soyeux et des
arômes fruités et frais. Pour une finale plutôt sèche. Titré à 19,5 °, il est
conçu comme une alternative au Porto traditionnel lors des chaudes soirées
d’été. À consommé sur glace.
Quant au champagne, il demeure le seul vin à
faire de ce moment festif, un instant d’exception. Certainement pour cette
effervescence tonique qui éveille les papilles. Lors d’un apéritif dinatoire, le champagne rosé se
distingue par sa belle finalité en bouche. Celui de la maison Taittinger en est
l’archétype. Séducteur, son Rosé Prestige s’impose par sa puissance. Sa robe saumonée
et intense et ses notes de fruits frais, il les doit au mystère de son
élaboration. Ce vin d’assemblage réunit 15% de vin rouge tranquille, issu des
meilleurs pinots noirs de la Montagne de Reims et des Riceys, plus au sud, et
une forte proportion de chardonnay. Ce cépage est l’empreinte de Taittinger.
Au pays des Scots
Pour continuer ce grand tour des
classiques, quittons la brume des coteaux champenois pour les embruns marins et
les eaux tourbeuses de l’Écosse. Élu aux World Whiskies Awards meilleur single
malt de l’année, l’Ardbeg Galileo a rendu sa couronne au pays des Scots. Il est
produit par la distillerie Ardbeg établie depuis 1798 sur la petite île d'Islay.
Cette cuvée, vieillie dans des fûts de marsala
(vin sicilien) et associée à de l’Ardbeg passé par des fûts de bourbon, diffuse
des arômes fruités et une texture tourbée.
Pour les amateurs, l’Ardbeg Galileo tire
son nom d’une expérience de maturation dans l’espace. En 2011, la fusée Soyouz
a quitté la Terre, avec à son bord des fioles provenant de cette distillerie. Direction
la Station spatiale internationale. Pendant deux ans, l’expérience cherchera à expliquer
le processus de maturation de composés complexe, dans une gravité proche de
zéro. Pour élargir le spectre gustatif de ses ingrédients chimiques et
découvrir du nouveau sur les arômes.
Retournons sur terre, avec la distillerie suisse
Diwisa et son savoir-faire ancestral. Son gin Xellent, d’une pureté absolue, se
distingue par l’intégration de deux ingrédients inédits : la fleur d’édelweiss
et l’ajout de vodka, helvétique bien sûr. Pour lever toute ambiguïté, la
cueillette de l’édelweiss, symbole de l’Helvétie, est interdite. Mais une
culture encadrée, en bio, est autorisée.
Sa complexité ne s’arrête pas là, puisque
25 épices et fleurs (toutes suisses à l'exception du genièvre et de la lavande)
sont longtemps macérées dans la vodka, dont la mélisse citronnelle, le
genièvre, l'aspérule odorante et la lavande. Une vodka élaborée avec l’eau du
glacier Titlis et distillée trois fois. Une quatrième sera ensuite effectuée
pour parfaire ce gin dans le cuivre d’un petit alambic à colonne. À servir
frais avec de la glace ou en long drink.
Plus au sud, sous le ciel azuréen, pas
d’apéritif sans Pastis. C’est l’apéro canaille. L’arrivée de l’anis remonte à
l’invasion des Maures et ensuite, au retour des Croisés par Marseille. Cette
recette populaire incorporait toutes les plantes anisées (anis étoilé, anis
vert, fenouil...) dans de l’alcool.
Et en 1932, le mot « pastis »
fait son apparition. Paul Ricard élabore
une recette secrète à base d'anis vert, d'anis étoilé et de réglisse dont la
présence était la grande nouveauté. Le succès est fulgurant, il se vend même
dans la rue. Interdit par Vichy en 40, le « Petit jaune » fait de la
résistance. Aujourd’hui, Henri Bardouin perpétue la tradition avec son pastis premium,
plus complexe et plus fin. La richesse aromatique de ce « Grand Cru du Pastis »
provient de plus de 65 plantes et épices comme le thym, le romarin, la
sarriette ou la sauge qui macèrent dans un mélange d’eau et d’alcool. Bref, un
retour aux vertus digestives.
Où les trouver
RATAFIA 3 ANS D’ÂGE, distillerie Jean
Goyard : la Carte des Vins : 26 Bd Beaumarchais Paris 11e.
CROFT PINK ROSÉ : chez Nicolas. 15
€.
CHAMPAGNE TAITTINGER PRESTIGE ROSÉ :
40 €.
ARDBEG Galileo 1999 : chez les
meilleurs cavistes. 75 €.
XELLENT SWISS EDELWEISS GIN : chez
les meilleurs cavistes. 50 €.
PASTIS HENRI BARDOUIN : Comptoir
corrézien, 8 rue des volontaires 75015 Paris. 22 €.